Le tricot et la résistance

Publié par Lila Rousselet le

Cet article a été écrit à la suite de ma lecture d’un article du New York Times,

The Revolutionary Power of a Skein of Yarn**

(Le pouvoir révolutionnaire d'un écheveau de fil)

Écrit par Peggy Orenstein en janvier 2023.

**Veuillez prendre note que si vous n'êtes pas abonné.e au New York Times, la lecture de cette article ne sera peut-être pas possible.

Peut-être que vous ne le saviez pas mais j’enseigne le tricot au Centre des textiles contemporains de Montréal à la session d’hiver. Chaque année, je pose cette question à mes élèves : qu’est-ce que le tricot représente pour vous ? Pour délier les langues et animer la conversation, j’enchaine sur : Comment vos ami•es vous imaginent quand iels pensent à votre travail à l’école ?  

Et chaque année, cette image revient, celle d’une grand-mère, tricotant dans sa chaise berçante sur le perron de sa maison.

Saviez-vous, qu’au travers de l’Histoire, les tricoteuses n’ont pas toujours eu cette image qui leur colle à la peau ?

Et oui, le tricot fait bon ménage avec la résistance, en voici quelques exemples.

Le tricot et la résistance

De la Révolution française aux guerres mondiales, nombreuses sont les femmes qui ont utilisé cette technique pour faire passer des messages codés ou pour simplement écouter les conversations aux abords des gares et des zones de passage sans se faire remarquer. Le tricot pouvait facilement transcrire des messages en morse faisant de cette technique un discret moyen de communication. Si répandu que pendant la seconde guerre mondiale, il était interdit d’envoyer des tricots ou des patrons de tricot par la poste.

Un exemple parmi d’autres, Elizabeth Bently, une espionne américaine pendant la seconde guerre mondiale a utilisé son sac à tricot pour cacher des plans de fabrication de la bombe B-29 et d’un avion de chasse.

Le mythe des Tricoteuses pendant la Révolution française

Pour se mettre dans le contexte de l’époque, il faut savoir que les femmes sont complètement exclues de la sphère politique. Si la déclaration des droits de l’homme et du citoyen signée en 1789 donne accès à plus d’égalité et de droits aux hommes (comme son titre l’indique), il n’en va pas de même pour les femmes qui sont exclues de ces textes de lois. Plusieurs d’entre elles, dont la plus célèbre, Olympe de Gouges, demandent que ces dernières soient également inclues dans la déclaration.

*1789-1799-Tricoteuses Jacobines par Pierre-Étienne Lesueur

Les « Tricoteuses » ou les « vulgaires et féroces poissardes » sont des femmes qui s'invitent dans les délibérations de la Convention et dans les débats des assemblées révolutionnaires pour écouter ce qu’il s’y dit.

Mais si on leur a donné ce nom de « tricoteuses », c’est parce qu’elles ne restaient pas sagement à écouter mais elles s’adonnaient à une activité habituellement réalisée à l’abri des regards à l’intérieur de leur maison. Et ce, en plein milieu de l’espace politique.

« Et, dans l'imaginaire, les aiguilles aussi sont symbole de cette perfidie, elles qui pourraient devenir dangereuses, armes ne disant pas leur nom, instruments de travail dévoyés à des fins sanglantes. »  

Et oui, sait-on jamais.

Le tricot et la guerre

*1940-Publicité pour la laine de la marque Sirdar et recueil de modèles de tricots à réaliser pour les soldats britanniques dans le cadre du mouvement Knit for Victory 

À grand renfort d'articles de presse, d'affiches et de courts métrages de propagande, les Anglo-saxons associent directement le tricot domestique à l'effort de guerre.

L’ambassadrice de la propagande américaine pour encourager les femmes à participer à l’effort de guerre est Eleanor Roosevelt, aussi connue sous le nom de « First Lady of Knitting ». L’idée même de la propagande par le tricot est née lors d'un thé appelé "Knit for Defense" le 31 septembre 1941.

*1933 - Eleanor Roosevelt tricotant au congrès

On la voit ici tricotant lors d’une des assemblées du Congrès américains. On est loin de l’image des « Tricoteuses » de la Révolution plus de 200 ans plus tard.

Le tricot et le militantisme, le Pussyhat project

L’idée a été lancée par deux féministes américaines Krista Suh et Jayna Zweiman qui ont incité les participantes à la marche des femmes de janvier 2017 à porter des bonnets tricotés en forme d’oreilles de chat. Cette marche avait été organisé pour dénoncer le sexisme du président nouvellement élu, Donald Trump.

*2017-Manifestation anti-trump

Ce ne sont que quelques exemples, parmi d’autres bien sûr, qui ont été oublié par les livres d’Histoire. Et quitte à parler d’Histoire et plus particulièrement d’Histoire de femme, je vous invite grandement à lire le livre de Titiou Lecoq, Les Grand oubliées, pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.

Je finirai cet article sur cette belle phrase de Peggy Orenstein :

« Because Michelle and the rest of us aging ladies? We don’t have to just sit and rock; we can rock it. »
Réflexion tricot

← Article précédent Article suivant →



Laissez un commentaire